Japa : pratique spirituelle ancienne issue de la tradition yogique
Japa est une pratique spirituelle ancienne et puissante issue de la tradition yogique et védique de l’Inde, qui consiste à répéter un mantra, c’est-à-dire une syllabe, un mot ou une phrase sacrée, de façon continue et concentrée. Le terme « japa » vient de la racine sanskrite « jap » qui signifie « répéter à voix basse, murmurer, réciter ».
La répétition du mantra peut se faire de différentes manières : à voix haute (vaikhari), en murmurant (upamsu), mentalement (manasika) ou de façon subtile au niveau du souffle et de l’énergie (ajapa). Traditionnellement, le japa se pratique avec un mala, un collier de 108 perles semblable à un chapelet, que l’on égrène en répétant le mantra, permettant ainsi de maintenir le compte et la concentration.
Le choix du mantra est très personnel et dépend de l’aspiration et de l’affinité de chacun. Il peut s’agir d’un nom divin comme Om Namah Shivaya, Hare Krishna, Om Mani Padme Hum, d’une qualité divine comme Om Shanti (Paix), d’une formule de consécration à son maître spirituel, ou simplement de la syllabe primordiale Om qui est considérée comme le son originel de l’univers.
Au-delà de la signification littérale des mots, le mantra est avant tout une vibration sacrée qui a le pouvoir de transformer la conscience de celui qui le répète avec foi et concentration. Comme l’explique le grand sage Sri Aurobindo : « Un mantra est une forme de pensée exprimée en sons qui a un pouvoir en soi et qui peut créer, lorsqu’il est prononcé d’une certaine manière, un état particulier dans la conscience.
Ainsi, la pratique régulière du japa permet de pacifier le mental en le focalisant sur un seul objet, de se relier à une énergie spirituelle élevée, de purifier le subconscient en y gravant des impressions positives et d’éveiller progressivement à des états de conscience supérieurs. À force de répétition sincère et concentrée, le mantra finit par s’intérioriser et se répéter de lui-même spontanément, imprégnant tout l’être de sa vibration.
Du point de vue de la neuroscience, la répétition rythmique du mantra a un effet mesurable sur le cerveau, en augmentant les ondes alpha associées à la détente et la vigilance détendue, et en activant certaines zones liées au contrôle de l’attention et des émotions. Des études ont montré les bienfaits du japa pour réduire le stress, l’anxiété, la dépression et l’insomnie notamment.
Mais au-delà de ses effets thérapeutiques, le japa est surtout un outil puissant de transformation spirituelle qui permet d’éveiller la dévotion du cœur, de se relier à une Présence divine et de réaliser progressivement le Soi. Comme le dit la Kularnava Tantra : « Quel besoin y a-t-il de beaucoup de mantras ? Un seul mantra, s’il est répété avec dévotion et concentré sur une divinité, suffit à donner tous les pouvoirs et à amener la libération.
En effet, dans la voie de la Bhakti (dévotion), le japa est considéré comme l’une des pratiques les plus élevées pour développer l’amour inconditionnel envers le Divin et dissoudre le sentiment de séparation. En répétant inlassablement le nom de son Bien-Aimé, le dévot finit par devenir un avec Lui et réaliser son unité essentielle avec toute la création.
Parmi les plus grands saints de l’Inde qui ont incarné cette voie, on peut citer Mirabai, Tukaram, Ramdas, Chaitanya Mahaprabhu ou encore Ramakrishna. Ce dernier témoigne : « La répétition du nom divin est comme la liasse attachée au cerf-volant – plus il y a de liasse, plus le cerf-volant s’élève haut. De même, plus on pratique le japa, plus le mental s’élève vers le Divin et devient un avec Lui. »
Au niveau le plus profond, le japa permet donc de dépasser toute dualité entre celui qui récite, le mantra récité et l’objet de la récitation. Il n’y a plus qu’une seule Réalité au-delà des mots, au-delà du mental et de toute limitation, qui se connaît et se révèle à elle-même. Le mantra devient alors le souffle même de la vie, le battement du cœur, la vibration primordiale de l’univers.
Bien sûr, atteindre un tel état de réalisation demande une pratique intense et soutenue sur de nombreuses années. Mais même si l’on est encore loin de cet idéal, s’adonner au japa ne serait-ce que quelques minutes par jour avec sincérité apporte déjà de nombreux bienfaits et ouvre la voie vers des états de conscience plus élevés.
Comme pour toute pratique yogique, il est recommandé d’apprendre le japa auprès d’un maître qualifié qui pourra donner les instructions adaptées et transmettre la vibration juste. Il est aussi important de pratiquer à un moment et un endroit propice, idéalement tôt le matin et dans un lieu calme et sacré. La régularité, la patience et la persévérance sont essentielles pour recueillir les fruits de cette pratique.
Mais quel que soit notre niveau d’avancement, le japa nous invite à nous relier à chaque instant au Divin qui réside en notre cœur. Même au milieu des activités quotidiennes, on peut continuer à répéter le mantra intérieurement et à tout Lui offrir. Ainsi, le japa devient peu à peu notre compagnon fidèle sur le chemin de la vie, nous aidant à rester centré, inspiré et connecté à l’essentiel à chaque pas.
Comme le résume magnifiquement Mâ Ananda Moyî : « Répète le nom de Dieu et tout le reste suivra de lui-même. Répète-Le encore et encore jusqu’à ce que le mental reste accroché à Lui, jusqu’à ce que le cœur devienne saturé de Lui. Alors spontanément un état indescriptible s’élèvera où il n’y a ni répétition ni non répétition, où seule demeure l’inexprimable douceur de Son contact vivant, où Il-Elle seul EST. »
Puissions-nous tous goûter à cette douceur vivante et réaliser notre unité avec le Divin à travers la pratique sacrée du japa. Om.